Duel : d’un côté, des élèves le jour du bac français, de l’autre, un auteur certes un peu mort, mais en verve, comme à son habitude.

 

Ce gros FDP de Victor Hugo a eu l'outrecuidance d'écrire un poème relativement long, avec un certain nombre de mots compliqués, comme « suaire », « moires », « coudrier » ou encore « javelle », poème qui s’est malencontreusement trouvé être le texte à commenter aux épreuves anticipées du bac français.

 

Il méritait bien qu’on le pourrisse sur Twitter sauf que, vous savez quoi : il est MORT !

 

Il est peinard, dans sa tombe, à taper la discute avec le brin d’herbe du poème si ça se trouve. (D’ailleurs, je me permets de signaler à l’auteur de "Torches toi avec ton brin d'herbe fdp de Victor Hugo" qu’il n’y a pas de « s » à l’impératif pour les verbes du premier groupe. Oups)

 

Le duel manque donc un chouïa d’à propos. Et quelles que soient la verve et l’imagination déployées sur les réseaux sociaux, vous le savez, (c’est sans doute ce qui vous fait enrager), vous ne pouvez rien contre lui, il est « immortel », un peu comme dans une chanson de Lara Fabian.

 

Il a beau être mort et enterré, il fait encore parler, le vieux barbu. Pas sûr en revanche que dans quelques décennies, l’auteur de « tu pu vraiment enfoiré avec ton crépuscule du cul là » (que je félicite au passage pour cette démonstration d’homophonie et la belle hyperbate) soit étudié au bac.

 

Cela dit cher auteur de « tu pu vraiment etc… », on est en droit d’avoir d’autres attentes dans la vie, et Hugo lui-même doit se retourner dans sa tombe d’être désormais un « classique », lui qui s’est tant battu contre le classicisme.

 

Tout comme vous, jeunes padawans,vous appliquez de toutes vos petites forces à écrire un français qui fait mal aux yeux sur Twitter, lui se vantait d’avoir « disséqué ce grand niais d’alexandrin ». (Aussi bien, il aurait pu dire qu’il avait niqué sa rasse à cette grosse pute d’alexandrin)

 

Et à l’époque, ça s’était pas mal frité sur la question de l’alexandrin disloqué ! Un vrai rebelle, ce Hugo. Un peu comme vous.

 

L’ironie de tout ça, c’est que les préparateurs du sujet ont sans doute imaginé que ce poème pouvait tout particulièrement vous parler : la vie, la mort, l’amour, ça leur a sans doute paru très adapté à votre cas. « Aimez, vous qui vivez ! »… « Vivez, faites envie » « Aimez-vous, c’est le mois où les fraises sont mûres » : ça vous plaît pas ça les jeunes ? En plus c’est vrai qu’elles sont mûres, les fraises, en ce moment.

 

Une sorte de « carpe diem » revisité, mais avec en plus, l’espoir de ne pas mourir vraiment, puisque les « prières des morts » peuvent se mêler aux « baisers des vivants ». Plutôt cool, et ce qui est formidable, (ironie au carré) c’est que vous avez su, mieux que l’auteur lui-même, nous montrer qu’en effet c’était possible, en ressuscitant Hugo, le temps d’une journée, sur la toile. Il vous a littéralement « pris la tête », et il a beau « parler en langage codé », vous l’avez compris. (Peut-être par la grâce du 18 juin ?)

 

Merci à vous, donc, les djeun’s, d’avoir saisi d’instinct le sens de ce poème et ainsi honoré la mémoire de notre fier poète: même si vos baisers à vous sont un peu fougueux, ce dialogue vivant avec un mort, ça lui aurait bien plu, à Victor Hugo.

 

Dommage qu’il n’ait pas de compte Twitter. 

 

https://leplus.nouvelobs.com/contribution/1216168-bac-2014-victor-hugo-clashe-merci-les-djeun-s-d-avoir-honore-la-memoire-de-notre-poete.html