Je me demande comment font certains, le matin, à 8h30, pour être aussi PÉTULANTS en accompagnant leurs enfants à l’école.

 

J’envie les gens capables de vous ouvrir grand les bras en claironnant « ÇA VA ? » avec des fossettes à chaque joue alors qu’ils viennent eux aussi de mener leur première bataille de la journée, à savoir faire sortir vivant et habillé chaque membre de la maisonnée.

 

C’est un mystère, vraiment. Comment diable font-ils ? D’où tirent-ils l’énergie de sourire, et pire, d’OUVRIR LA BOUCHE ? Pourquoi en rajouter ? Pourquoi les bisous ? Pourquoi ne pas se contenter d’un petit sourire de loin et d’un vague marmonnement que personne ne chercherait à comprendre ?!

 

Quand on me demande « ça va ? », je reste toujours un peu interdite, comme s’il y avait un piège. J’ai l’impression de ne pas sourire ASSEZ FORT pour répondre « oui », alors je cherche autre chose, de cohérent avec mon air sinistre, mais pas trop violent. Et je m’entends répondre "oh ben je suis naze, j’ai super mal dormi, je comprends pas pourquoi.. Mes enfants m’ont réveillée tellement longtemps la nuit, ça a dû me détraquer, ha ha ! ou alors c’est la pleine lune, on est en phase ascendante non ? Moi quand elle est pleine, ça me perturbe, c’est pas des conneries hein j’ai entendu ça sur Inter il paraît que ça a été prouvé scientifiquement… de toute façon depuis que ma voisine s’est pendue, l’an dernier, je suis hyper angoissée…"

 

Sérieusement.

 

QUI a envie d’entendre parler de PENDUS à 8h du mat' ?

 

Pourtant je n’arrive pas à me résoudre à répondre "oui", ça ne me semble tout simplement pas CORRESPONDRE à mon état de marasme absolu ! C’est même carrément MALHONNÊTE !!!!

 

QUI peut prétendre ALLER BIEN une heure après avoir quitté sa couette chaude pour se jeter dans les frimas du matin avec un enfant récalcitrant aux quenottes mal lavées à chaque main ?

 

J’ai bien tenté parfois le « comme un lundi », bien pratique quoiqu'un peu bateau, mais ça ne marche pas le mardi, et au bout d’un moment ça sape franchement le moral. Il y a bien des gens qui se lancent carrément dans « IMPECCABLE » mais alors il faut réussir à avoir le ton qui va avec. J’ai aussi essayé l’ironie : « délicieusement », disais-je, les cernes jusqu’au nombril et avec une gueule de six pieds de long, mais j’aime autant vous prévenir, c’est pas comme ça qu’on se fait des copains.

 

Comme j’ai peur de passer pour une dingue, à force (une dingue EN BAD et qui FOUT LE BOURDON en plus, pas la dingue marrante qui fait chanter vos matins) j’ai pris la ferme décision, cette année, de ne plus répondre, très sobrement, que par « oui, et toi ? ».

 

Donc, l’autre jour, premier « ça va ? » endiablé. « Ouiii et toi ? » dis-je pudiquement, agrippée à ma fille. -Ça va AU BOULOT ? me relance-t-on, sans prendre en compte aucunement MA question. (Le vice)

 

MAYDAY MAYDAY !! NE PAS SE PLAINDRE NE PAS SE PLAINDRE NE PAS SE PLAINDRE ! Oui mais quoi ? Répondre « oui » et tourner les talons ? Un peu froid, un peu sec non ? Il faut bien rentrer dans les détails quand même, sinon ça fait vraiment asociale ?! Je m'entends alors répliquer malgré moi "Oui ça va ça va enfin bon tu sais c’est jamais simple hein, on est de moins en moins soutenus et de plus en plus seuls, sans compter l’absence totale de reconnaissance, alors on a l’impression de pas servir à grand-chose, " etc.

 

Voilà voilà.

 

La solution, je l’ai enfin trouvée, c’est d’être la première à dégainer. D’aussi loin que vous voyez la personne que vous comptez saluer, vous articulez « ÇA VA ? ». Et c'est ELLE qui devra se débrouiller pour résumer sa vie / sa nuit / son boulot en dix mots.

 

Encore faut-il réussir à décoller ses lèvres l'une de l'autre pour ouvrir la bouche en premier. C’est un effort, mais ça vaut sacrément le coup.